Titanic: Commission sénatoriale américaine
Le « Sous-Comité du Comité au Commerce » chargé de l’enquête se réunit à partir du 19 avril à l’hôtel Waldorf-Astoria de New YorkNote . La veille au soir, les rescapés du naufrage sont arrivés aux États-Unis à bord du Carpathia, le navire venu à leur secours. À la demande du sénateur Smith, les quatre officiers rescapés du naufrage, douze autres membres d’équipage et le président de la White Star Line Joseph Bruce Ismay sont priés de ne pas quitter le pays.
Le vendredi 19, le Sous-Comité se réunit à 10 h 30 dans la salle de réceptions de l’hôtel, en présence de nombreux journalistes. Après la lecture par Smith d’une déclaration sur les origines et buts de la commission, Ismay est le premier témoin appelé. Celui-ci a, depuis la veille, la presse américaine contre lui, et est déjà affublé du surnom de « Brute Ismay ». On l’accuse en effet d’avoir poussé le commandant Edward Smith à accélérer dans une zone dangereuse, et d’avoir pris place dans un canot de sauvetage quand d’autres sont morts en héros. Lorsqu’il se présente à la commission, le président de la compagnie est entouré de deux gardes du corps, par mesure de précaution. Durant son interrogatoire, Ismay commence par décrire ses souvenirs des faits, mentionnant notamment la vitesse du navire jour par jour et la qualité de sa conception. Ensuite, Smith lui pose une batterie de questions, parfois très techniques, sur des sujets divers : ses rapports avec le capitaine, la façon dont il a survécu au naufrage, la provenance de certains équipements du navire… À plusieurs reprises, le sénateur tente, sans succès, de faire apparaître les rapports entre Ismay et le commandant, et la responsabilité du président de la compagnie dans le naufrage, en vain. Ismay est finalement congédié mais prié de rester à disposition des enquêteurs.
Le deuxième appelé du jour est le capitaine du Carpathia, Arthur Rostron. Héros du drame, il est tout d’abord félicité par l’assistance, puis fait un récit détaillé de la nuit du naufrage, détaillant les dispositions qu’il a prises pour se rendre le plus vite possible auprès du Titanic et pour recueillir efficacement les rescapés. Durant son témoignage, la commission s’attarde également sur le nombre de canots à bord des navires, et Rostron explique que le nombre d’embarcations ne dépend pas de la taille du navire, mais de sa conception et de sa robustesse. Vient ensuite Guglielmo Marconi, pionnier de la TSF, qui est appelé à revenir sur le rôle joué par sa technologie dans le naufrage. Le deuxième officier, Charles Lightoller, est ensuite appelé à témoigner. Rapidement exaspéré par les approximations et les questions parfois peu adaptées du sénateur Smith, le marin devient presque insolent, et ne révèle que peu de choses nouvelles à la commission. Deux derniers témoins interviennent ce jour-là : l’opérateur radio du Carpathia, Harold Cottam, et Alfred Crawford, steward rescapé.
Le deuxième jour, la commission se réunit dans une salle plus vaste, afin de permettre à la masse de journalistes présents d’entendre les témoignages. Avant l’audience, Ismay déclare que désormais, tous les navires de toutes les compagnies au sein de l’International Mercantile Marine Company seront équipés de canots en nombre suffisant. Les interrogatoires commencent ensuite. Harold Cottam est à nouveau questionné, ainsi que son homologue du Titanic, Harold Bride. Leur témoignage met notamment en évidence les incohérences et soucis de communication entre opérateurs radio de compagnies différentes. Un troisième témoin est appelé ce jour-là : Herbert Pitman, troisième officier du paquebot.
Un autre cas épineux est étudié le 22 avril, troisième jour d’enquête. Le premier témoin appelé est Phillip Franklin, vice-président de l’IMM Co., appelé à s’expliquer sur les informations erronées transmises par la compagnie à la presse. Toute la journée du 15 avril, en effet, les bureaux de la White Star Line n’ont cessé de répéter que le Titanic, en difficulté, était remorqué vers Halifax. Un télégramme de provenance inconnue, mais décrit comme venant de la White Star Line est également envoyé dans ce sens à un sénateur. La véritable nouvelle n’est apprise par Franklin que le 15 avril vers 18 h 30, et c’est lui qui l’officialise une demi-heure plus tard. Sur tout cela, Franklin est incapable de se justifier convenablement et en appelle aux difficultés à joindre les navires en mer. Son image se ternit encore plus lorsqu’il explique que le salaire de tous les membres d’équipage a été suspendu à minuit le 15 avril, conformément aux règles des compagnies en cas de sinistre.
Dans les jours qui suivent, nombre d’autres sont interrogés : le quatrième officier, Joseph Boxhall, Harold Lowe, cinquième officier, Frederick Fleet, le veilleur qui a vu l’iceberg, Robert Hichens, le quartier-maître en poste au moment de la collision, ainsi que des passagers comme le major Peuchen. Le soir du sixième jour, les sénateurs se répartissent les tâches pour interroger un grand nombre de témoins qui sont principalement des marins et des stewards. Le vendredi 26 avril éclate la controverse du Californian : selon un de ses chauffeurs, Ernest Gill, le navire était en vue du Titanic lors de son naufrage et n’a rien fait. Cependant, d’autres membres d’équipage prétendent que le Titanic était hors de vue. Des rescapés ont par ailleurs mentionné un navire mystérieux, au loin, qui semblait s’éloigner. Pour Smith, cela ne fait aucun doute, le Californian est bien le navire mystérieux, et son capitaine, Stanley Lord, se voit rendu coupable de ne pas avoir prêté assistance aux naufragés.
Les derniers jours consistent en des interrogatoires de multiples passagers, et aux rappels de témoins déjà interrogés. Un jour est également consacré à l’étude des positions des glaces avec l’aide d’un hydrographe de l’US Navy, John J. Knapp25. Le 30 avril, Ismay est rappelé une dernière fois. Il quitte ensuite le territoire américain avec les officiers à bord de l’Adriatic pour apparaître devant la commission britannique. Des interrogatoires se poursuivent cependant aux États-Unis jusqu’à la fin du mois de mai, avec notamment un passage à bord du sister-ship du Titanic, l’Olympic, pour y interroger son capitaine, Herbert James Haddock, le 25 mai. Au total, quatre-vingt-deux témoins sont entendus.
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