Titanic: Anna Sophia Turja
rescapée du Titanic:
La rescapée du Titanic Anna Sophia Turja était l’une des 21 enfants nés de deux mères et d’un père à Oulainen, dans le nord de la Finlande.
Sa demi-soeur, Maria, était mariée et vivait à Ashtabula, Ohio. Après une visite en Finlande, elle et son mari, incitèrent Anna à venir en Amérique. John l’invita à venir travailler avec lui dans son magasin d’Ashtabula, et lui acheta un billet de 3ème classe à 50 dollars pour son voyage sur le Titanic.
Anna avait 18 ans lorsqu’elle embarqua à bord du Titanic à Southampton, en Angleterre. Pour elle, le navire était magnifique, une ville flottante « tout comme une ville, il n’y manquait rien ». Il y avait une piscine, salle de concert et bibliothèques. Avec toutes ses boutiques et ses attractions, le pont principal était en effet plus large que la rue principale de la ville où elle habitait.
Lescabines de 3ème classe du Titanic étaient superbes, dit-elle. L’atmosphère était tout à fait vivante avec plein de conversations, de chants et d’amitié. On disait que la 3ème classe sur le Titanic était aussi bien que la 1ère classe sur beaucoup d’autres bateaux de l’époque.
Il y avait deux doubles couchettes dans sa cabine, une de chaque côté. Elle avait deux compagnes de chambre qui étaient des femmes finnoises. L’une d’elles avait « pris la jeune Anna Turja sous son aile ». Elle voyageait avec son frère. (En 3ème classe, les cabines des hommes étaient situées dans la partie avant du navire, celle des femmes à l’arrière). L’autre compagne était une mère avec son bébé.
Tard dans la nuit du dimanche, alors qu’elle s’installait pour la nuit, elle sentit un frisson et une secousse. Aussitôt après, le frère de sa compagne de cabine frappa à la porte et leur dit que « quelque chose n’allait pas », qu’elles devraient mettre des vêtements chauds et porter leurs gilets de sauvetage « ou vous allez vous retrouver au fond de l’océan ».
Leur petit groupe s’habilla et monta vers les ponts supérieurs. Là, un membre d’équipage essaya de les retenir, leur ordonnant de retourner, mais elles refusèrent d’obéir, et il cessa de les dissuader. Toutefois, elle se rappelle clairement que les portes furent fermées et les chaînes cadenassées derrière elles pour empêcher d’autres personnes de monter.
Son groupe continua de monter jusqu’au pont supérieur « où on sera plus en sécurité », dit-il, mais elle trouva qu’il y faisait trop froid, et donc elle redescendit sur le pont des embarcations. Elle était intriguée par l’activité qui régnait et par la musique que jouait l’orchestre du Titanic (bien qu’elle ne connaissait pas les noms des airs). Elle se souvient que l’orchestre sortit d’une salle où il avait joué et que les portes furent verrouillées après que tout le monde soit sorti.
C’est est sur le pont qu’elle rencontra la famille Panula, aussi de Finlande. Mrs Panula voyageait avec ses cinq enfants pour retrouver Mr Panula qui les attendait en Pennsylvanie. Mrs Panula posa la question « Devons-nous tous mourir dans l’eau? ». Elle avait récemment perdu un enfant adolescent dans une noyade en Finlande.
Elle se rappelle également avoir vu, du pont, les lumières d’un autre bateau. Ce navire ressemblait beaucoup au Californian, qui avait tragiquement coupé sa radio pour la nuit, et ne répondit pas aux difficultés du Titanic.
Ma grand-mère croyait à l’affirmation que le navire était insubmersible, mais elle ne comprenait pas complètement ce qu’il se passait car elle ne connaissait pas la langue. Elle avait vraiment aimé le « concert », c’est comme cela qu’elle ressentait la musique de l’orchestre, comme elle dit « elle serait allée au fond de l’océan en écoutant cette musique si un marin ne l’avait pas attrapée et mise dans un canot ».
Dans le canot de sauvetage du Titanic:
Elle dit que son canot était « l’avant dernier canot ». Il était plein à craquer quand il fut mis à l’eau; ce n’était pas l’un de ceux qui furent pris dans les câbles. Le canot était si plein que lorsqu’elle mit sa main sur le bord, ses « doigts furent mouillés jusqu’aux articulations ».
Il se peut que le canot ait eu des flancs en toile, ce qui en aurait fait l’un des quatre radeaux pliables que possédait le Titanic, les radeaux C et D étant les seuls à avoir été mis à l’eau avec succès. Le rapport de la Croix Rouge, cependant, établit que c’était le N°15. (Evidemment, le même rapport dit aussi qu’elle retourna en Finlande, ce qu’elle n’eut jamais l’intention de faire le reste de sa vie). Une autre suggestion est que c’était le N°13. Nous n’en sommes pas exactement certains.
Ils s’éloignèrent aussitôt du navire à la rame, craignant d’être aspirés avec lui quand il coulerait. Les marins étaient très bien entraînés et elle était sûre qu’ils auraient chaviré s’il n’y avait eu la compétence des rameurs. Elle entendit de fortes explosions lorsque les lumières s’éteignirent et que le bateau coula.
Ils étaient dans les canots depuis ce qui lui sembla être huit heures. Bien que la nuit était une « nuit claire, lumineuse » ils devaient brûler tous les morceaux qu’ils pouvaient trouver (papier, argent, ou toute autre chose qui pourrait créer une flamme éclatante, de sorte que les canots pourraient se voir les uns les autres et rester ensemble.
Son souvenir le plus obsédant était ces hurlements et ces cris de personnes agonisant dans l’eau. Chaque fois qu’elle en vient à cette partie de l’histoire, elle se met à pleurer. « Ils étaient dans l’eau, et nous ne pouvions pas les aider ».
A bord du navire sauveteur, le Carpathia, « les gens furent formidables. Ils donnèrent leurs couvertures et leur manteaux et tout ce qui pouvait aider ». Elle chercha ses compagnes de cabine, mais elle ne revit jamais ni l’une ni l’autre. Toute la famille Patula fut aussi plus tard portée disparue.
Les survivants ne durent pas transiter par Ellis Island, comme tous les autres immigrants le firent à cette époque. A la place, ils furent directement conduits à l’Hôpital Saint-Vincent de New York, puis reprirent leur itinéraire. A cause du problème de langue, elle fut littéralement suivie et mise dans un train à destination de Ashtabula, Ohio. (Des années plus tard, mon oncle Butch essaya d’obtenir une « crypto-autorisation » de sécurité dans l’armée. Le FBI dut d’abord rechercher pourquoi ma grand-mère ne figurait pas dans les registres d’immigration du pays. Il obtint finalement son autorisation).
Elle fut accueillie par la foule à Ashtabula, comme si elle était un peu une célébrité de l’époque. Elle rencontra très vite mon grand-père, Emil Lundi, le frère de John. Ils tombèrent amoureux et se marièrent; elle ne travailla jamais pour son beau-frère.
On ignore pourquoi son nom figura sur la liste des « passagers disparus ». Sa famille de Finlande ignora qu’elle était vivante jusqu’à ce qu’elle reçoive une lettre d’elle 5 ou 6 semaines plus tard.
En Mai 1953, elle fut une invitée spéciale lors de la sortie du film Titanic avec Barbara Stanwyck et Clifton Webb dans la nouvelle salle d’ Ashtabula. C’était le premier film qu’elle voyait de sa vie. Lorsque des journalistes lui demandèrent ensuite (sous la traduction de mon oncle) si elle pensait que le film était réaliste, tout ce qu’elle put dire fut « S’ils étaient tout près pour le filmer, pourquoi personne ne nous a aidés? » Les membres de la famille essayèrent de lui expliquer que c’était une recréation d’Hollywood. Elle répondit juste « Non, non ».
(Des années plus tard, le 20 Juillet 1969, alors qu’ils regardaient les premiers pas de l’homme sur la lune, elle ne voulut, et ne voulut jamais, croire que c’était la réalité. « Non, non. S’ils peuvent recréer le Titanic, ils peuvent recréer çà, aussi »).
Pendant des années elle fut régulièrement interrogée par la presse locale au moment de l’anniversaire du naufrage, mais elle déclina sa participation à « J’ai un Secret » et au « Ed Sullivan Show », en partie à cause de son âge, sa condition physique, et le problème de langue. Elle refusa également de participer à tout procès concernant les pertes. Elle et mon grand-père n’éprouvaient pas le besoin de courir après l’argent: Grand-mère avait sa vie et c’était une compensation suffisante.
Chaque année, à l’anniversaire d’Avril, elle faisait asseoir ses sept enfants pour leur raconter à nouveau l’histoire. La phrase par laquelle elle terminait, et qu’elle répétait tout le temps, était « Je ne comprendrai jamais pourquoi Dieu aurait voulu épargner une pauvre finnoise alors que toutes ces riches personnes se noyaient ».
Anna Sophia Turja mourut à Long Beach, Californie, en 1982 à l’âge de 89 ans.
0 Commentaire
Vous pouvez etre le premier a laisser un commentaire.